Un opéra au Théâtre de la Faisanderie : une première à Chantilly !

Les Noces de Figaro

De Mozart

Le théâtre affichait complet.

"Le week-end dernier (7 & 8 juillet) aura été marqué par un opéra ... Les Noces de Figaro ont littéralement emballé le public. L'association ArtemOise qui entend promouvoir l'opéra dans notre région a visé juste … Le public fut comblé."
(Oise Hebdo)

 

 

« Le Mariage de Figaro » (1778), est la deuxième pièce du triptyque théâtral de Beaumarchais, après le célébrissime « Barbier de Séville ». Mozart et son librettiste Da Ponte (Don Giovanni, Cosi fan Tutte...) s’en emparent moins de dix ans plus tard, en 1785, pour en faire un des chefs d’oeuvres de l’opéra : Les Noces de Figaro. Les lettres de Mozart témoignent du caractère quasi autobiographique et brûlant d’actualité de l’ouvrage : il interroge l’intimité et les rapports hommes-femmes, parle de politique et des bouleversements des rapports sociaux à l’aube de la Révolution française. La troupe de jeunes chanteurs réunis par Catherine Dune retrouve l’esprit de Mozart et de Beaumarchais avec fraîcheur et professionnalisme.

La direction d’acteurs de la metteur en scène confronte les jeunes artistes à la modernité du propos et leur fraicheur en restitue l’évidence. Le public de Versailles a découvert avec un rare enthousiasme cette production lors du Mois Molière.

Ce premier ouvrage lyrique présenté par ArtemOise au Potager des Princes entre particulièrement en résonance avec le magnifique décor naturel du Théâtre de la Faisanderie.

Distribution

 

 

Mise en scène : Catherine DUNE
Direction musicale : Emre-Can KARAYEL
Costumes : Jean-Francois PINTO
Lumières - Régie Générale : Anne POITEVIN
Conseil artistique : Didier HENRY
Sur-titrages : Pierre GIROD

Le fil de l’histoire...

Le matin même de ses noces avec Suzanne — femme de chambre de la Comtesse — , Figaro — valet du Comte Almaviva —, apprend que le Comte, lassé de son épouse après quelques années de mariage, la délaisse et tente d’obtenir, grâce à Bazile — le maître de musique —, les faveurs de sa fiancée. À Figaro de trouver, par la ruse, le moyen de garder Suzanne des manœuvres de son maître.

Mais les obstacles s’accumulent : Marceline, aidée par Bartolo, affirme posséder de Figaro une promesse de mariage qu’elle veut faire reconnaître en justice. Chérubin, le jeune page du Comte, poursuit de son désir naissant toutes les femmes du château, dont Suzanne et la Comtesse, et sème partout le désordre !

Le premier stratagème imaginé par Figaro échoue. Heureusement, les femmes prennent le relais : la Comtesse, qui veut confondre son mari volage et tenter de le ramener à elle, modifie le plan de Figaro : Suzanne et la Comtesse échangeront leurs vêtements, et se rendront au rendez-vous fixé au Comte le soir même sous les pins.

Après bien des péripéties et coups de théâtre, Marceline se révèle en réalité la mère de Figaro et Bartolo son père ! Favorisés par la nuit et les déguisements, un vertigineux enchaînement de méprises et surprises s’enchaînent dans le parc... Mais tout s’arrange et rentre dans l’ordre : Figaro et Suzanne, après une brouille due à la jalousie, se réconcilient ; la Comtesse pardonne à son mari et la fête peut commencer !

Questo giorno di tormenti, di capricci e di follia,

in contenti e in allegria solo Amor può terminar. Sposi, amici, al ballo! al gioco!
Alle mine date fuoco,
ed al suon di lieta marcia corriam tutti a festeggiar.

Ce jour de souffrances, de caprices et de folie, l'amour seul pouvait l’achever dans le contentement et la joie ! Époux, amis, allons danser, nous amuser !
Mettons le feu aux poudres,
et au son d'une joyeuse marche courons tous faire la fête !

WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791)

LES NOCES DE FIGARO (1786)

Une œuvre révolutionnaire !

L’opéra de Mozart est une adaptation de la pièce de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais Le Mariage de Figaro (1778), deuxième épisode de sa trilogie Le Roman de la famille Almaviva, s’ouvrant sur Le Barbier de Séville (1775) et s’achevant avec La Mère coupable ou l’autre Tartuffe (1792). Chef-d’œuvre du théâtre français, longtemps soumis à la censure, Le Mariage de Figaro est considéré, par sa dénonciation des privilèges de la noblesse, non seulement comme une œuvre satirique et politique de l’Ancien Régime, mais aussi comme l’un des signes avant-coureurs de la Révolution française.

La première n’eut lieu qu’en 1784 au théâtre de l’Odéon. Le triomphe populaire fut au rendez-vous. On attribue à Danton le verdict : « Figaro a tué la noblesse ! » ; et à Napoléon la sentence : « C’est déjà la Révolution en action ! » De son côté, Louis XVI déclara que « la représentation ne pourrait qu’être une inconséquence fâcheuse, sauf si la Bastille était détruite ».

Du Mariage de Beaumarchais aux Noces de Mozart

Créé le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne, l’opéra de Mozart est le premier des trois ouvrages issus de sa collaboration avec le librettiste Lorenzo da Ponte (suivront Don Giovanni et Così fan tutte).

C’est Mozart qui choisit la pièce de Beaumarchais et la confie à da Ponte. Ce dernier obtient l’autorisation de l’empereur Joseph II d’adapter la pièce à condition d’en éliminer toute dimension contestataire (le souverain avait en effet interdit, en février 1785, la représentation de la pièce de Beaumarchais). Da Ponte conservera le burlesque des situations, ainsi que l’inversion de la hiérarchie des rôles et de leur position : le personnage de Susanna, notamment, se trouve avoir un temps de présence scénique équivalent, si ce n’est supérieur, à celui de ses maîtres. Loin du stéréotype de la soubrette, elle se révèle malicieuse, clairvoyante, aspirant à l’amour et complice de la Comtesse. N’en déplaise à l’empereur, la dimension politique subsiste elle aussi : à l’acte I, le premier des trois airs de Figaro, « Se vuol ballare Signor Contino » (« Si vous voulez danser, Monsieur le petit Comte »), est un brûlot dans lequel l’ingénieux valet dit vouloir déjouer les plans de son maître.

À l’inverse, l’unique air du Comte (« Hai già vinta la causa... Vedrò mentr’io sospiro »), au troisième acte, trahit, par ses phrases inachevées et exclamatives, une fébrilité indigne d’un aristocrate.

Des noces contrariées...

La Rosina du Barbier de Séville est à présent devenue Comtesse di Almaviva ! Son mari est, cependant, loin d’être un modèle de vertu : bien qu’ayant aboli le droit de cuissage, il est infidèle et poursuit de ses assiduités la camériste de son épouse, Susanna – laquelle se prépare à épouser Figaro, entré au service du Comte. Il se trouve, toutefois, concurrencé par le jeune page Cherubino qui se dit amoureux de toutes les femmes, et plus particulièrement de sa marraine la Comtesse. De son côté, la vieille Marcellina, aidée du docteur Bartolo et du maître de musique Don Basilio, veut empêcher les noces de Susanna et Figaro, car ce dernier lui a fait autrefois une promesse de mariage.

... par une folle journée !

Les équivoques du sentiment amoureux semblent avoir trouvé dans Les Noces leur expression musicale la plus achevée. Le premier air de Cherubino, à l’acte I, « Non so più cosa son, cosa faccio » traduit bien, par son rythme haletant et exalté, la prégnance du désir amoureux naissant dans l’esprit du jeune page. Susanna, moteur essentiel de l’action, se montre, au demeurant, beaucoup plus fine que Figaro : c’est un air sensuel et digne de la Comtesse (« Giunse alfin il momento... Deh vieni, non tardar ») qu’elle interprète juste avant le finale du dernier acte, alors qu’elle s’apprête justement à échanger sa place avec celle de sa maîtresse. Figaro se laissera prendre par la sensualité de ce chant qu’il croit destiné au Comte, quand Susanna sait bien qu’elle s’adresse à celui qui, depuis la fin du troisième acte, est devenu son trop soupçonneux nouveau mari.

« C’est le cœur qui ennoblit l’homme. Je ne suis pas comte, mais j’ai peut-être plus d’honneur au cœur que bien des comtes, et, valet ou comte, du moment qu’il m’outrage c’est une canaille ! », écrivait Mozart à son père. Ancien musicien « domestique » du prince-archevêque de Salzbourg, Hieronymus von Colloredo-Mannsfeld, au début de la décennie 1780, Mozart ne connaissait que trop viscéralement le prix de la liberté. Beaumarchais s’adressait à son époque. Mozart, en proie aux épreuves financières et à la maladie, nous restitue par sa musique cette caractéristique majeure de l’existence humaine : l’appétit de vivre. Puissions- nous tous le ressentir au cours de cette folle soirée.

Arnaud Khatcherian